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Lorsque la voix se brise, que les mots se heurtent au palais, on apprend à se taire par peur du regard des autres. Dans Forger sa voie, court-métrage sur le thème « Et maintenant, on fait quoi ? », Mélissa et Julien Nourry nous invitent à suivre le parcours sensible de Soundous, une jeune femme qui apprend à vivre avec son bégaiement. Elle nous révèle que c’est en apprivoisant les mots et en les exclament haut et fort que l’on peut reconstruire la confiance en soi. Découvrez l’interview de ce duo primé au concours Filme ton Quartier par la Fondation EMJ.

D’où vient votre rencontre avec Soundous, 16 ans, au centre de votre film ?

Mélissa et Julien : C’est un peu le fruit du hasard, ou en tout cas d’une belle coïncidence ! Quand on a découvert la thématique du concours, on s’est demandé sur quel sujet on pourrait travailler. En cherchant des idées, on est tombés sur l’association Éloquence de la Différence, qui organisait un concours d’éloquence regroupant de jeunes participants en situation de handicap. On a découvert qu’une grande finale allait se tenir au Théâtre Mogador, avec une personne représentant chaque type de handicap, trisomie, autisme, cécité, bégaiement…On a alors contacté l’association pour proposer notre projet. Ils ont parlé de nous à plusieurs jeunes susceptibles d’être intéressés, et c’est comme ça qu’on a rencontré Soundous, qu’on a suivie lors de plusieurs soirées de préparations.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de la filmer, elle ?

Mélissa et Julien : Nous avons pu l’écouter durant une répétition où elle présentait un texte très personnel sur son parcours. On a tout de suite été frappés par sa force émotionnelle, sa présence sur scène… et surtout par son histoire, qu’elle racontait avec beaucoup de sincérité. Il y avait aussi un vrai feeling. Avec Soundous, une relation de confiance s’est installée très vite, c’est quelque chose qu’on recherche toujours dans nos projets : ce lien humain, cette proximité qui permet au film de prendre vie naturellement. Alors, quand elle a accepté de se lancer avec nous, on s’est dit : banco !

Qu’est-ce qui vous a poussés à explorer le pouvoir de l’expression orale et de l’éloquence ?

Mélissa : Nous sommes parents de deux enfants, un petit garçon et une petite fille, qui suit justement un suivi régulier chez l’orthophoniste.
Même si ce n’est pas lié au bégaiement, nous voyons concrètement à quel point le travail de l’orthophonie peut transformer la capacité à communiquer, à s’exprimer, et tout ce que cela implique, non seulement pour le développement personnel, mais aussi pour le regard que les autres portent sur soi. Soundous incarnait parfaitement cette idée. Elle avait cette force, cette puissance d’expression, mais aussi une énergie pleine d’espoir.

Dans votre film, Soundous est sur scène et déclame un texte très personnel. Comment avez-vous conçu ce choix de réalisation ?

Julien: Dès le départ, on lui a proposé l’idée de porter un texte assez intime, et surtout de le faire sur scène, comme dans un vrai concours d’éloquence, face à un public qu’elle doit convaincre et ça a tout de suite matché. Un texte qu’elle a écrit en partie, et qu’on a coécrit et peaufiné ensemble. Ce qui nous tenait à cœur, c’était de la mettre dans la lumière, de la sublimer. Soundous est déjà une personne sublime, mais souvent, le regard qu’on porte sur soi-même ne reflète pas ce qu’on dégage.
On voulait qu’elle puisse se voir comme nous la voyons : forte, belle, et porteuse d’un message.

Quel message souhaitez-vous faire passer à travers ce film, et quels sont les sujets principaux abordés ?

Mélissa & Julien : Le premier mot qui nous vient, c’est : puissance. Soundous incarne cette force incroyable. Ce qui est drôle, c’est que son bégaiement, on ne le remarque presque pas à l’écran. On a longuement réfléchi à la manière de filmer ses prises, qui sont presque en une seule fois, sans trop couper ni trop en rajouter, pour rester au plus juste de ce qu’elle dit et de ce qu’elle est. On voulait éviter le cliché, et finalement, beaucoup de spectateurs ne se rendent pas compte qu’elle bégaye, parce qu’on est complètement happés par la puissance de son discours. C’est une forme de dépassement, un vrai combat contre ses propres limites.

Nous, on aime raconter des histoires où des personnes sont un peu bloquées, enfermées dans quelque chose, et où elles trouvent les ressources, internes et externes, pour se surpasser. Soundous a réussi à dépasser ce handicap, ce blocage lié au passé, et ça touche à des thèmes universels. Même ceux qui ne vivent pas cette expérience peuvent s’y reconnaître, car son parcours est un exemples fort de courage et d’abnégation.

Avez-vous un souvenir ou une anecdote qui vous a particulièrement marqué durant le tournage ?

Mélissa : Le fait d’avoir toujours nos enfants avec nous sur les tournages ! On essaie de les emmener, surtout quand on tourne le mercredi après-midi ou le week-end. Pour ce film, ils étaient présents au théâtre avec nous, assis dans la salle pendant que Soundous répétait, accompagnés de sa maman, qui est une personne de confiance et très proche de sa fille. C’étaient vraiment des moments familiaux, presque intime. Pour nous, c’est important de construire une vraie relation d’amitié avec les personnes qu’on filme, de se rencontrer, de donner et de recevoir. Ce tournage, c’était un peu ça : une belle aventure en famille. On va commencer à croire que nos enfants nous portent chance, car à chaque fois qu’ils sont là, on réussit à se hisser parmi les finalistes du concours !

Quelle a été votre réaction en apprenant que vous aviez remporté le prix de la Fondation ?

Mélissa & Julien : Ça a eu une saveur particulière, parce qu’on a eu le sentiment d’avoir vraiment réussi à transmettre ce qu’on voulait. On n’a pas de regrets sur ce film, et c’est rare de pouvoir se dire, « on a été justes ». Le fait que ce soit reconnu par un jury, et en particulier sur la qualité du texte, c’est vraiment gratifiant. Ça nous donne confiance, surtout dans un domaine où on n’est pas encore à plein temps. Ce prix, c’est un vrai encouragement à continuer, à oser davantage !

« Et maintenant, vous faites quoi ? » Avez-vous des projets en cours ?

Mélissa & Julien : On espère que c’est le début d’une belle lancée ! On a déjà participé à plusieurs éditions du concours, et on se dit que si l’inspiration est là, on reparticipera sans doute l’année prochaine, surtout que ce sera les 10 ans du concours ! Ce genre de projet nous sort du quotidien, c’est stimulant, ça nous pousse à aller plus loin, à faire des rencontres fortes !

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